Le printemps des conflits fonciers
En Côte d’Ivoire, la terre est devenue si fertile qu’en plus de produire du café et du cacao, de renfermer des minerais critiques, elle produit en abondance des litiges fonciers.
C’est un vent de mécontentement sans précédent qui souffle sur la Côte d’Ivoire. L’insécurité juridique qui prévaut dans le domaine du foncier attise les tensions et crée un sentiment de désordre. Dans ce capharnaüm, les acquéreurs pointent du doigt les communautés villageoises, accusées de pratiques opaques. Ces dernières, à leur tour, grognent contre le ministère de la Construction, dénonçant des injustices et des lenteurs administratives. Les lotisseurs, eux, se lamentent sur le non-respect des engagements pris, alimentant ainsi un cycle de mécontentement généralisé. Tout le monde, à l’exception des vendeurs véreux, est fâché. Les tribunaux sont saturés par une avalanche de conflits fonciers.
Ces chiffres qui donnent le tournis
Dans cette atmosphère qui sent la poudre, les chiffres avancés par M. Gba Téan, directeur de cabinet du ministre de la construction, du logement et de l’urbanisme lors de la conférence de presse du 06 mars qui avait pour thème ; « Réformes initiées par le MCLU dans les secteurs du foncier et du logement de 2019 à ce jour », donnent le tournis. Plus de 2000 lotissements non approuvés recensés à Abidjan et sur toute l’étendue du territoire. Plus de 10 000 documents fonciers non conformes aux procédures en vigueur. Plus de 3000 requêtes en contentieux enregistrés. Des statistiques qui illustrent l’ampleur du problème et la nécessité urgente de réformes en profondeur.
Litiges fonciers en abondance
C’est la foire au faux et à l’usage du faux ! Une saison au cours de laquelle bourgeonnent les fleurs du mal. Les conflits fonciers fleurissent avec une vigueur renouvelée. On s’affronte à coups de poing dans certaines communautés. Des personnes sont tailladées à la machette. Des pères et des mères de familles, en désespoir de cause, ruent sur les reseaux sociaux pour produire des vidéos émouvantes. Mettant en relief un climat sociopolitique tendu. En Côte d’Ivoire, la terre est devenue si fertile qu’en plus de produire de café et du cacao, de renfermer des minerais critiques, elle produit en abondance des litiges fonciers.
Dangereux pour la santé
Acquérir une parcelle de terre peut s’avérer dangereux pour la santé. Le ministère de la Santé devrait envisager ajouter au bas de tous les documents fonciers, la mention : « L’achat d’un terrain peut comporter des risques pour votre santé cardiaque. Investissez avec modération. » Après l’euphorie de la transaction foncière « ni Allah son na », si Dieu le veut, débute l’incertitude. L’acquéreur découvre à ses dépens que son bien appartient simultanément à deux ou trois personnes. Ce qui peut déclencher du stress et des problèmes de santé tels que l’hypertension ou l’AVC.
Se convertir à l’Adu
Pour sauver ses compatriotes de l’apocalypse et des maladies liées au foncier, Bruno Koné, le messie qui sévit au 16ème étage de la Tour A, à la cité administrative depuis six ans, demande à tous les acquéreurs de se convertir à l’attestation de droit d’usage (Adu). Grâce à cet évangile, les adeptes de l’arnaque foncière deviendront sans doute des saints. On ne peut que répondre Amen devant tant d’optimisme.
Tant pis pour les hommes et les femmes de peu de foi qui ne croient pas qu’il suffit de remplacer les anciennes attestations villageoises, à l’origine de la plupart des litiges, par un nouvel acte administratif pour résoudre d’un coup de baguette magique des problèmes structurels qui perdurent depuis des décennies. Par la foi, l’Adu contribuera à transformer une société gangrénée par la corruption en une poche subite d’intégrité. Pourquoi pas mettre un terme aux lenteurs administratives, chères aux vaillants fonctionnaires et agents de l’Etat ?
Dans l’attente de cette espérance, savourons les délices du printemps des conflits fonciers.

