Démocratie en dérision
Une télé-réalité au succès planétaire
C’est à croire qu’il ne pouvait en être autrement. À chaque cycle électoral, le même rituel. Menaces, peurs collectives et refus de compromis. Les interprétations qui fâchent… La défiance envers les lois qui fondent le contrat social déchaînent les passions dans une atmosphère politique électrique. Une large part de l’opinion, au-delà de la polarisation extrême de la société, n’est plus dupe. Le paravent de la défense de l’intérêt général masque difficilement le véritable enjeu de cette dynamique morbide. On vit tous pour manger.
Fragilités institutionnelles
Les poussées de fièvre circonstancielle tiennent moins aux figures emblématiques qu’aux fragilités institutionnelles. La Constitution limite le nombre de mandats à deux. C’est écrit noir sur blanc. Cependant les désaccords sur son interprétation, adossés à des rapports de force, alimentent la tentation de l’affrontement. La Commission électorale indépendante peine à incarner un régulateur impartial.
Quant aux institutions judiciaires, elles sont perçues, dans l’imaginaire collectif de certains compatriotes, comme alignées sur l’exécutif. Rien d’extraordinaire à ce que chaque scrutin se transforme en une bataille pour la survie politique.
Rompre le cycle
Comment rompre ce cycle infernal ? Préserver la paix sur le long terme suppose un changement de paradigme. Passer d’une compétition conjoncturelle à une consolidation structurelle, comme au Ghana, au Bénin ou au Sénégal. C’est possible !
Recette
La recette suppose une sanctuarisation de l’indépendance des organes électoraux et juridictionnels. Une éducation civique et morale destinée, dès le plus jeune âge, à formater les esprits à l’idée que l’exercice du pouvoir constitue un contrat à durée déterminée et non une mission intemporelle. Un élargissement de la participation citoyenne à l’ensemble du processus démocratique ne serait pas de trop. Encore moins, une répartition équitable des richesses nationales. Sur le long terme, œuvrer à ce que l’alternance ne soit pas assimilée à une perte de privilèges ou à une expropriation symbolique. Dans un pays normal, c’est une étape banale de la vie institutionnelle. Des régimes militaires et des dictatures comme au Nigeria, en Argentine ou au Chili ont fini par s’y faire.
Transformation en profondeur
Il ne s’agit pas uniquement d’envisager une réforme constitutionnelle, de multiplier les Républiques. C’est comme ça que ça commence… L’enjeu vise à placer les institutions au-dessus des hommes forts. Transformer les violences passées en un apprentissage collectif pour une coexistence pacifique durable. La démocratie ne peut se résumer à un rituel quinquennal clivé. Sans transformation en profondeur de nos attitudes et comportements déviants.
Télé-réalité
À défaut de s’approprier ce processus d’humanisation de notre vivre-ensemble, au pays de la dérision absolue, il ne nous resterait plus qu’une alternative : faire de chaque rendez-vous électoral une télé-réalité en co-production avec Hollywood. Avis au ministère de la Culture. Avec cet incroyable talent en matière de crises électorales, que nous reconnaissent tous les observateurs, nul doute que le succès planétaire sera garanti.

