Pauvre en 2025
Descriptif des réalités au paradis
En Côte d’Ivoire le taux de pauvreté en 2025 serait de 34%. Un ivoirien sur trois en est impacté. Mais franchement… qui est pauvre, et qui ne l’est pas ?
Vivre avec l’estomac au talon, pratiquer la mort subite, un coup K.O., les poches vides, percées, qui laissent s’échapper les rares pièces collectées. Avoir l’âme éparpillée.
Se lever à l’aube pour courir après un « gombo », un jeton suspendu qui ne tombe jamais, une recette pour gagner sa journée. Vivoter, sans contrat, sans couverture sociale, sans lendemain. Travailler dur inutilement. Finir la journée, épuisé, sur les rotules, avec cette impression de surplace. Rentrer s’entasser à dix ou quinze dans un logement insalubre.
Boire une eau douteuse, parce que la Sodeci sert le plus souvent du vent dans les robinets en lieu et place d’une source de vie. Dormir à la lueur d’une lampe anémiée, quand la compagnie ivoirienne d’obscurité – d’électricité à ce qu’il paraît- on ne sait même plus sa raison sociale — distribue l’électricité à dose homéopathique.
Prendre le risque de voir accoucher son épouse sur une natte. Jouer sa vie et celle de ses proches à la roulette russe pour une ordonnance de 1 500 F CFA qu’on n’a pas. Remettre sa santé entre les mains de charlatans dans les cars de transport en commun ou de vendeuses de médicaments de la rue.
Prier pour que, les jours de disette, les ennuis se tiennent à carreau. Très loin surtout.
Envoyer son fils à l’école avec un sac de riz de 5 kg en guise de cartable. Croiser les doigts pour qu’il ne soit pas renvoyé pour impécuniosité, galère pro-max. Implorer chaque jour le ciel pour que sa fille, livrée à elle-même, ne se fasse pas violer ou engrosser par un « manawa », pour ensuite alimenter les statistiques qui fâchent. Celles des grossesses en milieu scolaire.
Divine grâce : éviter de cramer dans un accident de la route à Yopougon ou de se faire écraser par un véhicule fou sur un trottoir… qui n’existe que de nom à Cocody.
La misère ne s’arrête pas là. Elle est aussi morale, institutionnelle, quotidienne. C’est être perçu comme un mendiant, un crevard, malgré le peu de dignité qu’on essaie de préserver et qu’on est obligé de ravaler. Paraître plus suspect qu’un criminel à col blanc flanqué d’une garde rapprochée, tandis qu’on peut tomber pour un délit mineur. Etre éconduit d’une administration pour non-conformité sociale.
Partir avec un désavantage structurel aux examens scolaires et aux concours. Être déclaré inadmissible avant même d’avoir concouru. Défendre les infractions. Excuser le crime. Prendre fait et cause pour l’injustice…
Devenir esclave d’un travail qu’on déteste, mais qui fait bouillir la marmite. Poireauter jusqu’à 22 heures à l’arrêt de bus.
Brader sa voix pour un tee-shirt, une boîte de sardines, un billet de 2 000 F CFA… et un peu d’illusion. Espérer qu’un régime tombe pour que la chance change de camp.
Épuiser son énergie sur les réseaux sociaux pour bâtir des châteaux en Espagne. Mettre les organes, comme on le dit au « continent », pour un derby Réal-Barça sans savoir où se trouve l’aéroport Félix Houphouët-Boigny. Suprême paradoxe : fuir le paradis pour traverser la Méditerranée, au risque de servir de pitance aux poissons.
Croire qu’à force de dérision, l’effet de la douleur va passer. Rêver d’un terrain, d’une voiture, d’un compte bancaire… et s’éveiller à la triste réalité.
Avoir des désirs qu’on ne peut pas satisfaire. Aimer une femme qu’on ne peut pas épouser. Distraire une maladie qu’on ne peut pas soigner, en attendant qu’elle vous envoie six pieds sous terre. Regarder la vie depuis le banc des remplaçants, sans jamais entrer sur le terrain. Vivre par procuration.
Trop souvent, devenir religieux ou philosophe. Attendre un miracle. Espérer vivre et mourir – du moins crever – sans avoir vécu.
En Côte d’Ivoire le taux de pauvreté en 2025 serait de 34%. Un ivoirien sur trois en est impacté. Mais franchement… qui est pauvre, et qui ne l’est pas ?

