Nahio : Trois jours plus tard… le procureur donne enfin de la voix
72 heures pour préparer les mots d’un communiqué très attendu
Il aura fallu 72 heures au parquet d’Issia pour rendre publique sa lecture des tueries survenues à Nahio (Région du Haut-Sassandra) en marge de la présidentielle du 25 octobre. Trois jours d’un silence assourdissant avant qu’un communiqué mesuré et à la lisière de l’enfer vécu par les populations ne vienne sortir la justice de son mutisme. Entre le récit des survivants et la version officielle, c’est un gouffre béant.
Trois jours ! C’est le temps qu’il aura fallu au procureur de la République, près le Tribunal d’Issia (environ 395 km d’Abidjan) pour enfin donner de la voix sur les tueries qui ont eu lieu à Nahio dans la nuit du 25 au 26 octobre 2025. Trois jours d’allégations, d’images de désolation, de témoignages étouffés dans un État de droit… puis jaillit la lumière. A la bonne heure !
Responsabilités situées
À travers un communiqué qui, avant même l’ouverture de l’enquête annoncée, a d’ores et déjà situé subtilement les responsabilités, le parquet pointe du doigt les opposants au déroulement du scrutin. Il était tellement attendu que www.letau.net en livre ici un extrait, tant il illustre l’esprit de cette communication qui s’est lentement pressée. Tout ce qui se fait longtemps désiré mérite une attention et un traitement de faveur.
« Farouchement opposé »
« Le samedi 25 octobre 2025, un groupe d’individus, conduit par le nommé Gomelin Marcelin DIGBEU, s’est farouchement opposé au déroulement du scrutin, en barricadant les voies d’accès à la sous-préfecture de Nahio, département d’Issia, empêchant ainsi l’acheminement du matériel électoral et la tenue du vote. Face à cette attitude, les populations désireuses d’exercer leur droit de vote se sont à leur tour dressées, provoquant de vives tensions au terme de la journée électorale. La nuit venue, de violents affrontements ont éclaté entre les deux parties. Alertés, les éléments des forces de défense et de sécurité se sont immédiatement déployés sur les lieux, afin de rétablir l’ordre et de prévenir toute aggravation de la situation. Les affrontements ont fait trois (03) morts, causé des blessures à dix-neuf (19) personnes et entraîné la destruction de nombreux biens… »
Motif suffisant ?
Tel que rédigé, ce narratif constitue-t-il un motif suffisant pour que des individus favorables à la tenue d’un scrutin se fassent justice dans une République qui clame haut et fort qu’elle est un État de droit ?
Dramatique réalité
Le reportage de Linfodrome sur le théâtre des opérations parue sous le titre : Attaque meurtrière à Nahio : Notre envoyé spécial au cœur de la désolation et des témoignages poignants révèle une facette plus sombre et dramatique des événements. Il ne s’est pas agi d’un simple affrontement entre partisans et adversaires de l’élection. Plutôt de représailles menées par des individus armés pour faire payer à des villageois leur refus de voir le scrutin se dérouler normalement. « C’est quand les éléments de l’escadron mobile de Daloa sont arrivés en renfort que les assaillants ont commencé à fuir », raconte un rescapé des événements. C’est dire la puissance de feu dont disposaient les assaillants.
Manichéisme
Trois morts, dix-neuf blessés, des maisons en cendres, des déplacés internes et des populations traumatisées qui vivent dans la psychose d’un retour de leurs agresseurs… La décence voudrait qu’on s’abstienne de scruter les pertes en vies humaines et les atrocités commises sous le prisme du manichéisme à l’ivoirienne qui veut qu’il y ait d’un côté le bien et ses anges, et de l’autre le mal et sa cohorte de démons !

