Campagne électorale : La pluie de milliards se transforme en déluge de dons

Les populations sous les flots d’une générosité soudaine

À chaque cycle électoral, le même scénario. Les gouvernants semblent, comme par enchantement, se découvrir une âme de bon samaritain. La campagne électorale qui s’est ouverte le 10 octobre à minuit n’a pas échappé, à ce vaste élan de générosité. Après la pluie de milliards de 2010, on assiste à un déluge de dons électoraux.

Des dons comme s’il en pleuvait ! En prélude au lancement de la campagne électorale de son époux, candidat à sa propre succession dans le Haut-Sassandra, la Première dame, Dominique Ouattara, a une fois de plus fait parler de son cœur généreux, le 9 octobre 2025 à Daloa. Pas moins de 15 000 kits scolaires ont été distribués aux élèves de la région. La rentrée, c’est maintenant ! Les femmes non plus n’ont pas été oubliées.

Côte d’Ivoire solidaire

La présidente de la Fondation Children of Africa, reconnue d’utilité publique, a délié les cordons de la bourse à hauteur d’environ 500 millions F CFA pour soutenir leurs activités. La Côte d’Ivoire solidaire n’est pas qu’un simple slogan. 

Retour sur investissement ?

Sans douter de la légendaire générosité de la première dame, le momentum de cette philanthropie à profusion interroge. Depuis le 10 octobre, le cœur de la Côte d’Ivoire vibre au rythme de la campagne présidentielle. Période durant laquelle les prétendants à la magistrature suprême cherchent, plus que jamais, à se rapprocher des électeurs. Comme le ferait un prétendant désireux de conquérir les faveurs de sa bien-aimée. Pourquoi ces élans de générosité coïncident-ils presque systématiquement avec l’approche des scrutins ?

Subtil message

La réponse réside dans le subtil message véhiculé. Il ne s’agit pas d’un appel direct au vote, mais d’un rappel de l’assistance bienveillante des autorités en place. Tout à l’honneur de Kandia Camara, présidente du Sénat, qui a récemment évoqué la notion de « vote de reconnaissance ». Dans une société où gratitude et reconnaissance influencent fortement les choix politiques, ces actions sociales peuvent devenir des armes de persuasion électorale massive.

Quid de l’éthique ?

Sur le principe, de telles initiatives relèvent d’une volonté politique de réduire les inégalités sociales et d’améliorer les conditions de vie des couches les plus vulnérables. Quid de l’éthique lorsque ces actions se multiplient à l’approche des élections ?

Droit vs faveur

Dans l’idéal républicain, ce qui est offert par l’État ou par des institutions reconnues d’utilité publique devrait être perçu comme un droit pour les citoyens, et non comme une faveur accordée par un régime ou une personnalité. Si cette distinction n’est pas clairement comprise, certaines populations pourraient se sentir redevables d’une bienveillance occasionnelle plutôt que d’une justice sociale durable.

Manie africaine

Ce phénomène n’est pas propre à la Côte d’Ivoire. Dans plusieurs pays africains, la même dynamique s’observe en période électorale. Au Nigeria, par exemple, le concept de « political stomach infrastructure » qui se traduit littéralement par  « infrastructure pour l’estomac », désigne ces aides ponctuelles distribuées avant les scrutins : sacs de riz, motos, vêtements ou billets de banque. Au Sénégal, des observateurs évoquent régulièrement l’augmentation des programmes de « bourses sociales » ou de « projets d’urgence » à l’approche des élections.

Prélude

En Côte d’Ivoire, ces derniers mois, le gouvernement a multiplié les cérémonies d’inauguration et les programmes sociaux au bénéfice des populations. Après l’annonce de la prorogation la gratuité de la CMU pour le secteur informel, le 06 octobre, Amadou Coulibaly, ministre de la Communication, a fait les yeux doux au monde des médias. Le lendemain, le Premier ministre a inauguré en grande pompe le CAFOP d’Abidjan délocalisé à Anyama. L’agenda gouvernemental semble désormais largement consacré à ce type d’activités sociales et de proximité.

Scepticisme et humour

Habitués à ce spectacle, de nombreux Ivoiriens observent avec une dose d’humour et de distance ces manifestations de générosité circonstancielles. Sur les réseaux sociaux, on peut lire : « Quand les élections approchent, même les routes non bitumées se pressent de se bitumer. »

Une dérision qui rappelle que la mémoire politique souvent amnésique est prompte à faire amende honorable pour les besoins de la cause. Eh oui, pendant les élections, même la pluie devient bienfaisante. Jusqu’au lendemain du scrutin, où le soleil ardent vient ramener le bon peuple à la réalité.

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