Paresse démocratique !
Fuir, se planquer ou oser voter ?
Les options sont certes multiples, mais avouons que telle se pratique notre démocratie – plus que du dégoût- décourage et donne la paresse !
À cinq jours du 25 octobre, date du premier tour de la présidentielle en Côte d’Ivoire, la tension est montée d’un cran avec la mort d’un officier de la gendarmerie, officiellement au cours d’une opération de sécurisation sur l’axe Agboville – Grand Yapo, (environ 43 Km d’Abidjan). Un mort de plus comme si on était incapable d’en faire l’économie. Ces pertes en vie humaine pourquoi ?
Prorogation
Dans cette atmosphère qui sent désormais la poudre, les Ivoiriens, qui ne savent plus à quel saint se vouer, se tiennent à bonne distance de la chose politique. Conséquence, la Commission électorale indépendante (CEI) a été obligée de proroger jusqu’au mercredi 22 octobre le délai de retrait des cartes d’électeurs. Ce n’était jusque-là vraiment pas la grande affluence.
Dégoûté
Rien ne dit qu’en dépit de la rallonge, on se bousculera pour retirer l’un des sésames qui donne le droit de participer au scrutin. À plus forte raison se déplacer dans un bureau de vote, la peur au ventre. De la politique made in Côte d’Ivoire, beaucoup sont dégoûtés et envisagent faire le deuil. Si tel n’est déjà le cas.
Panoplie de mesures
Ce ne sont d’ailleurs pas la panoplie de mesures prises depuis le début du mois d’octobre et les violences en cours qui les feront reconsidérer leur position. Le 2 octobre, c’est le Conseil national de sécurité qui donnait le ton en annonçant que toutes les « mesures nécessaires » seraient prises pour maintenir l’ordre et la sécurité pendant la période électorale.
Interdictions tous azimuts
Notamment l’interdiction de toute réunion et manifestation publique visant à contester les décisions du Conseil constitutionnel. Dans la foulée, le préfet d’Abidjan faisait servir aux initiateurs d’une marche projetée, le 4 octobre, un arrêté d’interdiction. Le 17 octobre, un arrêté interministériel signé des ministres de l’Intérieur et de la Défense accentuait le tour de vis par une interdiction tous azimuts des meetings et manifestations publiques des partis ou groupements politiques sur toute l’étendue du territoire national, pour une durée de deux mois. À l’exception des activités « qui s’inscrivent dans le cadre du processus électoral relatif à l’élection du Président de la République du 25 octobre 2025 ». Bien entendu, pour confirmer la règle !
Garantie par la Constitution
Qu’on ne s’y méprenne pas. La liberté de réunion et de manifestation est gravée dans le marbre de la Constitution et des conventions internationales que notre pays a signées. C’est ce que rappelle, d’ailleurs, l’alerte plume du ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, avec un calme olympien, dans une posture de sérénité à toute épreuve, à Amnesty International.
« Encadré »
Le droit, écrit-il avec élégance, peut être « encadré » quand la sécurité ou l’ordre public l’exigent. Traduction pour ceux qui n’ont rien compris : vous pourrez vous réunir et manifester… quand tout sera calme et sous contrôle. Comme si cette assurance ne suffisait pas à convaincre les sceptiques, le ministre, la main sur le cœur, le cœur bien ancré dans les libertés fondamentales, jure qu’« aucun acte réglementaire ne vise à restreindre durablement ce droit ». Ouf ! Les mécontents n’ont plus qu’à patienter. La saison des libertés reviendra… lorsque la météo politique se montrera plus coopérative et surtout clémente.
Options multiples
Entre annonces prophétiques apocalyptiques, violences localisées, juridisme pur et dur, déploiement sécuritaire dissuasif, le citoyen lambda se trouve confronté à un terrible dilemme. Fuir, se planquer dans un bunker en prélude à une alerte au cyclone, prier, se repentir de ses péchés, invoquer les ancêtres ou prendre son courage à deux mains et oser glisser un bulletin dans l’urne comme une grenade dégoupillée ?
Les options sont certes multiples, mais avouons que telle se pratique notre démocratie, plus que du dégoût, elle décourage et donne la paresse !

