
Rapport CNDH : Compliments en plénière, contradictions en annexes
Ces chiffres qui dérangent dans une démocratie exemplaire
L’enceinte de l’Assemblée nationale a servi de cadre, le 04 décembre 2025, à la cérémonie de présentation du rapport annuel 2024 du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) au président de ladite institution. Un exercice qui a pris des allures de gratitude envers le régime Ouattara. Toutefois, derrière les hommages appuyés et le devoir de reconnaissance, les chiffres livrés par le Conseil véhiculent un narratif qui dérange dans notre démocratie… si exemplaire.
À la tribune de l’Assemblée nationale, ce 04 décembre, Namizata Sangaré, la présidente du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), venue présenter le rapport 2024 de son institution, a préalablement mis un point d’honneur à se soumettre au devoir de reconnaissance prôné par la présidente du Sénat au cours de la campagne présidentielle.
Petite flatterie
Ainsi donc a-t-elle tenu à saluer la vision du chef de l’État, et à le féliciter « pour sa réélection à la magistrature suprême ainsi que pour les progrès réalisés en matière de droits de l’Homme ces dernières années ». C’est elle qui le dit. A raison d’ailleurs : « notre pays siège au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, à Genève. Le CNDH vient d’être proposé à la ré-accréditation, le 5 novembre 2025, au statut A de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’Homme, après l’évaluation par 19 experts le 28 octobre dernier. » Les jaloux vont maigrir !
Le président du Parlement, dont la disponibilité et l’engagement au service de la Francophonie n’ont pas été occultés, a lui aussi eu droit à sa petite flatterie et à une bonne couche de pommade.
Sur le papier, les signaux sont au vert. Le pays coche les bonnes cases : abolition définitive de la peine de mort, ratification de la convention sur les disparitions forcées, extension de la couverture maladie universelle, stratégie nationale anticorruption. Une image de carte postale parfaite !
Envers du décor
L’envers du décor, pudiquement requalifié sous le vocable de « défis », est moins glamour. « Au niveau des droits civils et politiques, le Conseil relève : l’insuffisance du cadre juridique de la lutte contre la corruption et des infractions assimilées, marquée par les faiblesses et les limites de l’accès à la plateforme SIGNALIS pour les populations rurales. Les contours insuffisamment définis de la liberté d’association et de réunion pacifique, dont la récente ordonnance n°2024-368 du 12 juin 2024 sur la société civile, suscite des critiques pour son ingérence administrative excessive et des inquiétudes quant à la protection des acteurs de la société civile. »
La situation des détenus
La situation des détenus révèle que 3 211 sur 6 710 détenus visités de nationalité étrangère dans les prisons ivoiriennes « ne peuvent lire et écrire en français. Le reste ne bénéficie pas de l’assistance consulaire. »
4 547 prisonniers sur un total de 23 515 attendent un premier jugement, « 3 698 au-delà des délais, 3 291 ont interjeté appel, et 520 ont formé un pourvoi en cassation. »
Le mirage de la CMU
« Les conclusions de l’enquête réalisée en 2024 par le CNDH révèlent que, sur 572 personnes disposant de la carte CMU, 257 usagers, soit 45 %, disent ne pas bénéficier des prestations de la CMU. » Un mirage pour cette frange de la population !
Relativement à l’Éducation, on apprend que 272 sur 415 établissements scolaires présentent un déficit d’enseignants pour le cycle primaire et 143 pour le secondaire.
Droit au logement piétiné
La vingtaine d’opérations de déguerpissement conduites par Cissé Bacongo et ses bulldozers ont piétiné le droit au logement et les conditions de vie des populations cibles.
En ce qui concerne le travail des enfants, la capacité d’accueil pour les enfants victimes est insuffisante, avec 3 centres existants sur le territoire national.
Stupéfiants en prison
Des mineurs en prison sont exposés à une consommation régulière de stupéfiants. Le rapport dépeint une surpopulation carcérale inquiétante au COM de Bouaké, qui héberge des mineurs sous ordonnance de garde provisoire et en détention provisoire. Ce n’est pas tout : l’article 427 du Code de procédures pénales est décrit comme non conforme au Protocole de Maputo sur les droits sexuels et reproductifs. L’absence de politique migratoire cohérente, au détriment des droits des migrants, en rajoute au tableau. Le rapport constate, documente, recommande et laisse la responsabilité aux chiffres d’achever la critique.
Appel aux députés
C’est aux députés que le CNDH en appelle, pour scruter chaque projet de loi sous le prisme des droits de l’Homme. Encore faut-il qu’entre deux salves d’applaudissements et trois formules de félicitations, il se trouve un élu qui ait le temps de parcourir les annexes jusqu’au bout.
