
Lutte contre la corruption : Zoro Bi en adepte de la politique de l’autruche
Entre discours officiels, scandales financiers et enquêtes inachevées, la lutte contre la corruption en Côte d’Ivoire peine encore à convaincre. Malgré les assurances de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance, le mercredi 10 décembre 2025, sur le plateau de NCI, l’opinion reste marquée par une série d’affaires retentissantes, rarement suivies de sanctions exemplaires.
Le scandale financier qui a éclaboussé le Directeur administratif et financier du ministère de la Santé, Doumbia Abed-Nego, et conduit à son incarcération récemment, reste encore vif dans les mémoires. Révélée en exclusivité par www.letau.net, cette affaire a remis en lumière les failles persistantes de la gouvernance publique. Et c’est certainement cette affaire qui a précipité la sortie médiatique du président de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance (HABG), Zoro Bi Ballo Épiphane, sur les antennes de NCI, où il s’est attaché à défendre son bilan.
Contrôle…
Face aux journalistes Gliss et Assoumou Didier, le ministre s’est voulu rassurant. Selon lui, les mécanismes mis en place depuis 2013 auraient renforcé la détection et le contrôle des actes de corruption en Côte d’Ivoire. « Ce n’est pas qu’il y a plus de corruption aujourd’hui, mais le contrôle est renforcé. Il devient difficile de passer entre les mailles du filet », a-t-il affirmé.
Détournements…
Un discours qui tranche avec une réalité bien plus nuancée. La Cote d’Ivoire figure toujours sur la liste grise du Groupe d’Action Financière (Gafi) en matière de blanchiments de capitaux et est scrutée dans les moindres mouvements par l’Union Européenne. Des audits sont réalisés, des rapports produits, mais les plus grands scandales financiers du pays demeurent sans suites judiciaires majeures. Au cours de la dernière décennie, plusieurs affaires de détournement ont éclaté et, fait couler de l’encre… avant de disparaître dans les archives. Pendant ce temps, les milliards envolés auraient pu transformer des écoles, des hôpitaux, des routes, ou alléger le quotidien des populations.
Sndai-Oneci …
Le rapport N°25/2023 de la Cour des comptes est un électrochoc. On y découvre que les fonds collectés pour les passeports et les CNI n’ont pas été entièrement reversés au Trésor. Pourtant, ni le ministère du Budget ni la SNEDAI ne peuvent dire où est passé cet argent. La SNEDAI parle d’un compte de séquestre secret, logé dans deux banques mais fermé à double tour, inaccessible au Trésor public. Comment un compte contenant des milliards appartenant aux Ivoiriens peut-il être soustrait à tout contrôle étatique ? Bien malin qui saura répondre à cette préoccupation.
Santé …
Au CHU de Treichville, entre 2019 et 2020, l’argent public s’est volatilisé. Les recettes se sont effondrées, les fonds ont disparu, et les comptes donnent l’impression d’un véritable champ de ruines. L’audit du CHU de Treichville révèle une chute dramatique des recettes et une mauvaise gestion des fonds. A cela vient s’ajouter la récente arrestation du directeur administratif et financier du ministère de la santé.
Des milliards volatilisés…
La Cour des comptes n’a pas épargné les ministères et entreprises publiques, dénonçant une gestion catastrophique des finances publiques. Plusieurs entreprises d’État, comme l’ANSUT, FER-PALMIER et UTEXI, sont pointées du doigt pour manquements financiers graves. L’ANSUT bénéficie d’un rééchelonnement des paiements jusqu’en 2024, tandis que FER-PALMIER et UTEXI sont plongées dans la liquidation ou le redressement judiciaire. Le paradoxe est cruel : l’exécution de la loi de Finances 2022 a creusé un déficit abyssal de plus de 3 000 milliards de F CFA, tandis qu’en parallèle, environ 3 023 milliards sont restés inutilisés. Pendant ce temps, les citoyens subissent la pauvreté, le chômage et le manque de services essentiels.
Scandales…
En 2013, le scandale éclate : des marchés publics illicites pour la réhabilitation des universités, notamment celle de Cocody, avec des coûts artificiellement gonflés à plus de 110 milliards de F CFA. Deux ans plus tard, en 2015, c’est le football national qui trinque : les primes des Éléphants, suite à leur victoire à la CAN, restent impayées, pour un différend de 720 millions de F CFA. Les scandales se multiplient et s’amplifient. Plus de 400 milliards de F CFA disparaissent dans le Programme présidentiel d’urgence (PPU), entraînant son arrêt par la Banque mondiale. L’affaire GESTOCI fait éclater au grand jour un détournement de 1 000 milliards de F CFA. Et le chantier du métro d’Abidjan ? Son budget explose de 300 à 912 milliards de F CFA, sans aucune explication. Une accumulation de scandales qui dépasse l’imagination, où l’argent public destiné au développement disparaît au profit de poches bien identifiées.
Récidive…
La Caisse Nationale des Caisses d’Épargne (CNCE), sous la direction de Mamah Diabagaté, a été victime d’un détournement de 700 millions de F CFA, plaçant l’institution au bord de la faillite. Au Fonds d’Entretien Routier (FER), Lanciné Diaby voit son directeur général détourner 100 milliards de F CFA en 2022. À la SICOGI, plus de 3 milliards de F CFA ont disparu sous la gestion de l’ancien directeur général. Le Guichet Unique de l’Automobile, lui, a perdu plus de 20 milliards de F CFA entre 2016 et 2018 dans des pratiques opaques.
A la lumière de ces faits, y a-t-il besoin d’éclairer la lanterne du ministre Zoro Bi qui semble privilégier la politique de l’autruche ?
