Vivre pour manger

La faim justifie les moyens

Vivre pour manger est devenu un art de vivre à l’ivoirienne. Une logique qui préside à l’engagement citoyen, professionnel, social et… politique. La faim justifie les moyens. Même les plus abjects et les plus immoraux. L’exemplarité peut aller se rhabiller. L’essentiel, dans l’imaginaire collectif est d’avoir son assiette bien pleine, l’estomac bien tendu et les joues pleines.

Sous le prisme des scandales de mal gouvernance à répétition, sans cesse rapportés par la presse nationale, on est en droit de se demander : où est passée la rigueur des années 90 du Premier ministre Alassane Ouattara ? Plusieurs dossiers sur lesquels travaille la rédaction de letau.net, font penser que le chef de l’État a peut-être abdiqué dans sa volonté de taper du poing sur la table face aux actes de corruption et de prévarication.

Laisser-aller ?

Sous Ouattara, Premier ministre, rares étaient les têtes d’huile qui osaient défier les directives du chef du gouvernement. Les véhicules de fonction, pour ne citer que cet exemple, stationnaient les week-ends. Aujourd’hui, il semble que Ouattara 3 n’inspire plus aucune crainte. Ces véhicules paradent, jours ouvrés ou pas, sur l’autoroute du Nord et dans la ville, avec des plaques de camouflage ostensiblement exhibées.

Des projets conçus pour le bien-être collectif sont parfois “relocalisés” sans qu’aucune colère homérique ne vienne du sommet de l’État, ébranler la sérénité des mis en cause. Serait-ce l’effet d’un philtre magique qui inhibe toute sévérité ? L’usure du pouvoir ?

Le laisser-faire (?) ambiant a dopé l’audace des prévaricateurs, bercés par l’illusion d’une impunité totale. Ainsi, plus personne ne semble se poser la question comme le recommandait Félix Houphouët-Boigny : « Que chaque Ivoirien s’interroge, ai-je fait, bien fait pour mon pays ce que je dois ? »

Désormais, c’est plutôt : « Ai-je mis suffisamment de côté pour le temps des vaches maigres ? » 

Intérêt public porteur de sens

Sous le père fondateur, reconnaissons-le, nul ne regardait dans la bouche des grilleurs d’arachide. Toutefois, l’intérêt général faisait sens. Servir la communauté constituait un honneur. Il existe encore des Ivoiriens d’une probité irréprochable, certes ; mais ils restent l’exception qui confirme la règle. 

Des salaires modestes et des fins de mois difficiles n’excusent pas la distraction de l’argent public au profit d’ambitions personnelles.

Avidité en vogue

« Manger pour vivre » ne s’affiche plus comme un simple impératif biologique. En dépit de l’omniprésence du divin en son sein, la société ivoirienne, confrontée aux Saintes Écritures; « L’homme ne vivra pas seulement que de pain… », fait la sourde oreille. Ventre affamé n’a point d’oreille. Le verbe manger, au présent de l’indicatif à la première personne du singulier, se conjugue avec un tel engouement qu’il fait chorus dans toutes les langues locales. Cette « mangecratie » cristallise, les tensions d’une société polarisée. Vivre pour manger est devenu un art de vivre à l’ivoirienne. Une logique qui préside à l’engagement citoyen, professionnel, social et… politique. La faim justifie les moyens. Même les plus abjects et les plus immoraux. L’exemplarité peut aller se rhabiller. L’essentiel, dans l’imaginaire collectif est d’avoir son assiette bien pleine, l’estomac bien tendu et les joues pleines. Conviction et intégrité ne nourrissent pas. C’est cette avidité qui guide la plupart du temps les consciences… et alimente les conflits cycliques.

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