
Dabou : Alerte kidnapping des valeurs
Disparues en story, retrouvées en “païya”
La disparition de deux adolescentes à Dabou, finalement retrouvées saines et sauves et qui selon des indiscrétions étaient en pleine festivité dans une résidence meublée, dépasse largement le cadre d’un simple fait divers. Cet événement agit comme un miroir brut, reflet d’une société ivoirienne malade, désorientée, ayant perdu ses repères, sa morale, ses valeurs fondamentales et même le sens de la responsabilité. La société ivoirienne avance souriante vers sa propre déchéance.
Abidjan, dimanche 16 novembre 2025. Après plusieurs jours d’inquiétude et de recherches, Yoro Esther, élève au lycée de jeunes filles de Dabou et fille de la chantre Lyah Géraldine, est retrouvée saine et sauve. Depuis sa disparition le 11 novembre, l’angoisse était palpable au sein de sa famille : enlèvement ? kidnapping ? pratiques occultes ? Dans un pays où ce genre de drames devient tristement courant, l’inquiétude était à son comble.
Vérité dérangeante
Cependant, dans la soirée du samedi 15 novembre, la vérité éclate. Une vidéo postée sur Facebook montre Yoro Esther festoyant, chantant, buvant et dansant aux côtés de son amie Zadi Bérénice, elle aussi signalée disparue. Les deux jeunes filles, que toute une nation croyait en danger, profitaient en réalité de ce qu’elles appelaient le « païya », autrement dit la « belle vie », dans une résidence meublée. Pendant que leurs familles respectives multipliaient prières et supplications, les adolescentes levaient leurs verres dans l’insouciance. Cet épisode n’est pas un simple incident. Il illustre à lui seul l’effritement progressif des valeurs qui formaient autrefois la colonne vertébrale de la société ivoirienne.
Un héritage balayé
Autrefois fondée sur la discipline, le mérite, le respect et le travail, la société ivoirienne semble avoir troqué ces idéaux pour les feux éphémères du paraître. Désormais, tout se joue sous l’égide du buzz : tout devient spectacle, tout se vend, tout s’expose sans retenue. L’argent facile remplace l’effort et le mérite comme principaux critères de réussite. L’impudeur et l’indécence, diffusées sur tous les écrans disponibles, deviennent des normes à applaudir. La médiocrité, incarnée par des pseudo-influenceurs et autres pseudo-intellectuels, est élevée au rang d’excellence. Une génération entière apprend à acclamer ce qui pourtant devrait être rejeté.
La dérive
La montée incontrôlée des technologies de l’information et de la communication (TIC), ainsi que l’explosion des réseaux sociaux, ont offert une tribune sans limites au voyeurisme et à la vacuité. Plutôt que d’informer et d’éduquer, les écrans se transforment en machines à produire du vide. Sur les plateaux télévisés aussi bien publics que privés, des influenceurs aux messages douteux sont accueillis avec enthousiasme. Ces derniers glorifient la facilité, le narcissisme et le sensationnel. Face à cette déferlante, une jeunesse impressionnable et vulnérable plonge tête baissée.
Génération sacrifiée
S’il est évident que tous les cinq ans les acteurs politiques rivalisent d’ardeur pour conquérir le pouvoir, on doit se demander : qui se bat réellement pour la jeunesse ? Qui s’intéresse à son éducation morale ? À son sens du devoir ? À ses repères ? La réponse est implacable : peu de personnes, voire personne. Les conséquences sont alarmantes : une génération qui confond liberté et débauche, qui perçoit une disparition temporaire pour « vivre la belle vie » comme une aventure excitante. Une génération qui prend les réseaux sociaux comme boussole et érige les influenceurs en modèles absolus.
Effondrement
Les esprits s’alarmaient pour ces jeunes filles pendant plusieurs jours : familles, voisins, autorités et internautes vibraient d’angoisse. Pourtant, celles qui semblaient en danger savouraient sereinement leur « païya ». Ce constat désolant témoigne du profond mal-être en cours. Si cette descente continue à ce rythme effréné, il faudra peut-être envisager un nouveau métier : celui de « sapeur-pompier des valeurs perdues ». Mais encore faudrait-il qu’il reste assez de candidats prêts à relever ce défi… Car aujourd’hui déjà, beaucoup préfèrent rêver d’une carrière d’influenceur TikTok.
