
Rébellion et crise post-électorale de 2011 : Laurent Gbagbo dégoupille une grenade offensive à fragmentation
Un momentum qui ne doit rien au hasard
Ce 08 décembre 2025, alors que notre président se préparait à être investi pour un 4ème mandat, son prédécesseur, Laurent Gbagbo, a pris sa plume pour dégoupiller plus qu’une lettre ouverte politique… une grenade offensive à fragmentation. À peine 24h après la commémoration du 32ème anniversaire du décès du père fondateur de la Côte d’Ivoire moderne, au moment où Alassane Ouattara se préparait à être investi pour un 4ème mandat toujours contesté, il choisit de rouvrir une page douloureuse de notre histoire récente.
Au pays des éléphants où la mémoire n’est pas la chose la mieux partagée, il ne s’agit pas d’une simple lettre ouverte. C’est une grenade offensive à fragmentation. Un récit qui prend le contrepied du narratif officiel admis.
Revisiter l’histoire
Dans sa lettre, c’est moins l’homme politique que l’historien qui est aux manettes. L’ex-chef de l’État revisite l’histoire de notre pays sous le prisme de la victime qu’il estime être. Charnier de Yopougon, attaques venues du Nord, partition du pays, rébellion, accords de Lomé, Accra, Marcoussis, Kléber, Pretoria, Ouaga… crise postélectorale de 2010-2011, immixtion française, complaisances internationales, à ses yeux. L’enjeu est clair : corriger la version officielle.
Pied de nez
Laurent Gbagbo souligne avec force la remise en cause d’une décision du Conseil constitutionnel, comme un pied de nez à l’actualité récente. Il s’affiche en président légitime, victime de décisions internationales controversées, arrêté là où d’autres « acteurs majeurs de la crise », selon ses propres termes, circulent librement. La lettre proclame haut ce que beaucoup pensent tout bas.
Questions qui fâchent
Les questions qui fâchent, celles qu’on murmure de peur de se faire entendre, refont surface : Qui a financé la rébellion ? Qui a organisé le génocide Wê ? Pourquoi l’ONU et l’Occident ont-ils imposé des élections sans désarmement préalable ? Pourquoi, au terme des poursuites internationales, a-t-il été le seul dirigeant ivoirien transféré à la CPI ?
Procès en différé
Ces interrogations relèvent de sa lecture politique et de son expérience personnelle. Il aurait voulu d’un procès en différé, sur le terrain du débat public, qu’il ne s’y serait pas pris autrement. Remettre sur la table les non-dits qui polluent le contrat social depuis 15 ans.
Le plus explosif
Le plus explosif ne réside pas dans les questions, mais dans le momentum choisi. Le jour où son successeur rempile pour un mandat dont la légalité continue d’interroger, en présence de chefs d’État étrangers, sous le regard bienveillant de la communauté internationale. Au moment où un coup d’État a été déjoué au Bénin et qu’un autre a été consommé en Guinée-Bissau avec des traitements qui questionnent le bon sens. Pendant que Ouattara déroule le tapis rouge, Gbagbo retourne les décombres de l’histoire récente. D’un côté, on célèbre un mandat contesté par l’opposition ; de l’autre, on rappelle que la page 2011 n’a jamais été tournée. Une grenade à fragmentation politique.
Explosions
La grenade explose en plusieurs éclats. D’abord la CPI, remise dans le jeu. Gbagbo a annoncé avoir demandé à son avocat, Me Emmanuel Altit, de ressaisir la Cour au sujet de la crise ivoirienne. Inédit pour un ex-accusé acquitté. Dans un monde qui a soif de justice, sa requête sera-t-elle entendue ?
Second éclat : la bataille du narratif historique. Les comptes de 2011 sont loin d’avoir été soldés.
Troisième éclat : le repositionnement politique. Pour l’ancien chef de l’État, l’enjeu est d’occuper la scène sans meeting, sans slogan, sans appel à manifester. L’interdiction des manifestations est toujours en vigueur. Cette lettre alimentera le débat public et dérangera certainement. Ne pouvant être ignorée.
Quatrième éclat : l’interrogation morale. « Pourquoi seul moi ai-je été arrêté ? » Symptomatique d’un sentiment de justice inachevée au sein d’une partie de l’opinion. La conclusion sonne comme un verdict : « J’ai fait ma part. J’espère que tous les autres feront leur part. La vérité est une condition de la paix. »
La perception policée trahit l’intention réelle : inviter, publiquement et en conscience, chaque acteur du mal-être national à assumer sa part de responsabilité pour un avenir plus apaisé… et, surtout, éviter que la vérité ne revienne un jour se rappeler à nous avec la même discrétion qu’un éléphant entrant dans un magasin de porcelaine.
