
Investiture de Ouattara pour un 4ᵉ mandat : Que valent encore les engagements de notre président ?
Le lundi 8 décembre 2025, Alassane Ouattara a été investi président de la République de Côte d’Ivoire pour un quatrième mandat. Devant un parterre d’invités soigneusement triés, il a, une nouvelle fois, déroulé un catalogue d’engagements aussi solennels que familiers. Sécurité, paix, transmission générationnelle : une partition maîtrisée, certes, mais qu’on connait désormais par cœur. De quoi se demander, en fin de compte, ce que valent encore les promesses présidentielles quand elles reviennent à intervalles réguliers, comme une rengaine.
À l’occasion, Ouattara a rappelé son ambition d’être « le président de tous les Ivoiriens, sans distinction ». Un vœu toujours noble, et toujours renouvelé. Il a insisté sur la cohésion nationale, promis la modernisation économique, la transformation industrielle, la sécurité alimentaire, l’essor numérique, les infrastructures « compétitives ». Les jeunes et les femmes ont, encore une fois, occupé une place de choix – ce qui, à défaut d’être inédit, est devenu une tradition républicaine. Le tout coiffé d’un mandat placé sous le signe de la « transmission générationnelle » du pouvoir. Rien que ça !
Déjà entendus
Il faut le dire sans détour : ce discours ressemble comme deux gouttes d’eau à ceux prononcés lors des mandats précédents. Même ton, mêmes promesses, mêmes horizons. Des engagements qui, au fil du temps, n’engagent plus que ceux qui tiennent encore à y détecter un souffle nouveau. Depuis 2011, la paix, la réconciliation, la croissance inclusive, l’industrialisation, l’emploi des jeunes et la modernisation agricole tiennent la tête d’affiche. Les résultats, eux, se montrent parfois plus timides, selon une certaine opinion.
Promesses…
Quant à la succession générationnelle, elle a déjà connu plusieurs saisons. En mars 2020, devant le Parlement réuni en congrès à Yamoussoukro, le président annonçait fièrement son retrait de la scène électorale. Une sortie de scène très applaudie, presque théâtrale. Puis survint le décès du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, « cas de force majeure » qui ramena Ouattara dans la course. Après une élection controversée, il assurait qu’un quatrième mandat serait, improbable. Mais le 29 juillet 2025, l’appel du devoir s’est fait soudain plus bruyant que la parole donnée. Que nous réserve demain ? Rendez-vous est pris dans cinq ans.
Réconciliation dans le coma
Les discours s’enchaînent, mais sur le terrain, les Ivoiriens ne se crachent pas vraiment dans la bouche. Le bilan de la présidentielle du 25 octobre en est un rappel discret, mais éloquent. La réconciliation, longtemps annoncée comme imminente, semble préférer prolonger son sommeil.
Mirage…
Vantée depuis 2012, la croissance inclusive ressemble désormais à ces oasis qu’on aperçoit parfois dans le désert, visibles surtout de loin. Les ménages les plus modestes attendent toujours ses retombées. Entre 2008 et 2015, le taux de pauvreté n’a reculé que de 48,9 % à 46,3 %. Et selon l’ANSTAT, l’analphabétisme touche encore 51,5 % de la population — une statistique qui se passe de longues dissertations. La mortalité maternelle demeure élevée (385 décès pour 100 000 naissances vivantes), les classes débordent, et 37,5 % des Ivoiriens vivent encore dans la pauvreté.
Lorsque le gouvernement reconnaît lui-même, en février 2025, qu’il faudra « ramener le taux de pauvreté sous les 20 % d’ici 2030 », c’est que les objectifs précédents ont accusé un sérieux retard.
Incursions…
Les promesses de sécuriser durablement le Nord n’ont pas empêché la multiplication d’incursions terroristes. Aujourd’hui, la menace est dite « numérisée ». Preuve que, malgré les discours rassurants, la réalité du terrain garde la dent dure.
Déjà vu
Depuis quinze ans, le chef de l’exécutif annonce une transformation locale ambitieuse, notamment pour la filière cacao. Pourtant, l’économie demeure très dépendante des matières premières brutes, et l’industrialisation, annoncée comme imminente, semble préférer le mode « à venir ».
Une bande-annonce qui tourne en boucle, avec les mêmes acteurs, les mêmes dialogues, les mêmes retournements attendus.
En attendant de voir pour croire, mieux vaudrait adopter la posture des Saint Thomas endurcis. C’est la meilleure manière de survivre aux saisons politiques ivoiriennes palpitantes.
