L'Editorial

Nouveau mantra

Moins qu’un slogan, une grande nation est une communauté de citoyens liés par une histoire, des institutions crédibles, des valeurs partagées et un projet commun. Elle ne se mesure ni à la longueur des discours ni à la hauteur des tribunes, mais à la solidité de ses fondations humaines et morales : éducation, justice, équité, sens de l’intérêt général.

Investi le 08 décembre pour un quatrième mandat qu’il lui serait difficile, voire impossible, de briguer cinq ans auparavant, notre président s’est engagé, pour cet autre tour de piste, à nous offrir une grande nation. Au bon souvenir de 2020, lorsqu’il nous promettait l’émergence à l’horizon 2020.

Au fait, où en est-on avec ce rêve que serinaient, en toutes circonstances, à longueur de discours, les disciples du chef, comme une incantation ? Est-il vraiment besoin de regarder dans le rétroviseur lorsque se profile, à un horizon dont la date n’a pas été déterminée, une nation si grande que l’histoire de ce pays en serait marquée à jamais ?

Au fait, qu’es ce qu’une grande nation ? Le nom du nouveau mantra dont vous entendrez parler juste après les législatives et la formation du gouvernement, pour cinq bonnes années, jusqu’à satiété ? Moins qu’un slogan, une grande nation est une communauté de citoyens liés par une histoire, des institutions crédibles, des valeurs partagées et un projet commun. Elle ne se mesure ni à la longueur des discours ni à la hauteur des tribunes, mais à la solidité de ses fondations humaines et morales : éducation, justice, équité, sens de l’intérêt général.

Nelson Mandela disait que « l’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde ». Osons un léger détournement pour dire que l’éducation est l’arme la plus puissante pour bâtir une grande nation. Encore faut-il savoir où l’on en est. Quel est aujourd’hui l’état réel de notre système éducatif et de formation ? Comment sont traités nos enseignants ? En dehors de quelques établissements d’excellence, à quoi ressemblent nos écoles ? Le contenu de notre enseignement, qui date de Mathusalem, permet-il de rêver si grand ? Notre rapport au débat contradictoire des idées favorise-t-il la réalisation de cette ambition ? Notre gouvernance des cerveaux susceptibles de nous challenger milite-t-elle en ce sens ?

Comment entend-on y parvenir sans points de convergence clairement identifiables ? La devise de notre pays — union, discipline, travail — est-elle suffisamment incrustée dans notre ADN pour le grand bond ? Qu’est-ce qui nous unit, exception faite de notre inclination au dilettantisme ? De notre incapacité à percevoir, en l’autre, politiquement incorrect, une source d’enrichissement personnel ?

Une grande nation est-elle possible lorsque le service public a été sacrifié sur l’autel de nos appétits circonstanciels, qui survivront rarement à notre pèlerinage terrestre ? Avant d’aspirer à la grande nation, et si l’on commençait par dresser l’état des lieux de nos atouts ? Cela nous éviterait sans doute de mettre la charrue avant les bœufs.

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