
Législatives 2025 : urnes désertées, suspicions de fraude omniprésentes
Les élections législatives de 2025, tenues ce samedi 27 décembre, auront laissé une impression persistante de malaise démocratique. Plus que la question de la participation, c’est la multiplication des soupçons d’irrégularités et le spectacle de bureaux de vote clairsemés qui ont marqué cette journée électorale, sur fond de défiance et de lassitude citoyenne.
Avant même d’aborder le taux de participation, plusieurs incidents et signalements ont alimenté les débats dès les premières heures du scrutin. Sur les réseaux sociaux, des images largement relayées en provenance de Tengrela ont suscité de vives réactions. On y voit l’honorable Mariam Traoré, pourtant distinguée comme meilleure députée de l’année, impliquée dans une scène controversée autour d’urnes et de bulletins de vote. Les images, commentées et interprétées de multiples façons, ont nourri des soupçons d’irrégularités.
Mis en cause
Le cas de Tengrela n’est pas apparu isolé. À Attécoubé, des agents électoraux ont été mis en cause après qu’un individu a été surpris en train de voter à la place de plusieurs citoyens, selon des témoignages recueillis sur place. À Yamoussoukro, Dabou et Tiassalé, des signalements d’irrégularités ont également circulé tout au long de la journée, contribuant à renforcer un climat de méfiance déjà perceptible dans l’opinion.
Même Cocody, souvent présentée comme acquise à l’opposition, n’a pas échappé aux contestations. Jean-Marc Yacé, maire de la commune et fraîchement élu député, a publiquement dénoncé des anomalies dans la compilation des résultats. Dans une publication sur sa page Facebook, il affirme :
« Nous avons constaté ce jour des irrégularités dans certains bureaux de vote, notamment au niveau du procès-verbal de compilation des résultats. Le document mis à disposition comporte 13 lignes prévues pour l’inscription des résultats, alors que 14 candidats sont officiellement en lice, laissant apparaître une omission potentielle de la ligne correspondant aux candidats du PDCI-RDA, en l’occurrence mon colistier Hervé Bombet et moi-même. »
Avant de conclure, amer : « Nous déplorons vivement cette situation, de nature à porter atteinte à la sincérité, à la transparence et à l’équité du scrutin, d’autant plus qu’aucune information préalable n’a été communiquée aux candidats. »
Accusations répétées
Ces accusations répétées, venues de différentes localités, donnent à voir un processus électoral perçu comme fragilisé. Pour de nombreux électeurs rencontrés, elles confortent l’idée d’un scrutin joué d’avance, pensé comme une formalité destinée à entériner une majorité déjà acquise. Le déséquilibre des moyens entre les candidats est régulièrement cité pour expliquer ce sentiment : quand certains disposent de ressources financières, logistiques et humaines conséquentes, d’autres peinent à mener une campagne minimale.
Desertion des urnes
Mais au-delà des soupçons et des discours, le constat le plus visible reste celui de la désertion des urnes.
Comme annoncé par www.letau.net la faible participation s’est confirmée dans plusieurs communes d’Abidjan. Entre 9 heures et midi, notre équipe a visité plusieurs centres de vote dans la capitale économique. À 11 heures, dans la cour d’un groupe scolaire à Angré, le silence est presque solennel. Le matériel électoral est en place, les urnes sont prêtes, mais les électeurs se font rares. Les agents électoraux patientent, parfois le regard rivé sur leurs téléphones, dans une atmosphère d’attente prolongée.
Quelques citoyens accomplissent leur devoir civique, sans empressement, comme s’il s’agissait d’une simple formalité administrative plutôt que d’un moment démocratique décisif.
Même scénario au collège Anador à Abobo, puis à l’école primaire Auba Hélène aux Rosiers, à la Palmeraie. Pas de files d’attente, pas de débats animés, pas de militants visibles. Les bureaux tournent au ralenti. Les électeurs semblent s’être passé le mot.
Sur le terrain, une explication revient avec insistance. Inflation persistante, loyers élevés, coût des transports, chômage des jeunes : pour une large frange de la population, le vote apparaît secondaire face aux urgences du quotidien. La politique, disent-ils, ne remplit pas le panier de la ménagère.
Larissa S., rencontrée devant un centre de vote, résume ce sentiment partagé :
« Il n’y a pas d’engouement. Les Ivoiriens sont préoccupés par leur survie. L’abstention aussi est une façon de parler. »
Ce 27 décembre, les urnes étaient bien là. Les bulletins aussi. Ce qui manquait, visiblement, c’était la confiance dans l’exercice.
