Côte d’Ivoire : 15 petits délits qui remplissent les prisons

Lumière sur ces infractions aux grandes conséquences

Mendicité, colportage, dettes impayées ou encore nuisances sonores… Des milliers de détenus purgent parfois des peines pour des infractions qualifiées de « délits mineurs », l’une des causes de la surpopulation carcérale qui plus est, porte atteinte aux droits fondamentaux. Malgré les appels de la Commission africaine des droits de l’homme à leur dépénalisation, la loi ivoirienne demeure encore rigide.

Des délits sur lesquels une société normale, soucieuse d’une répartition équitable des richesses, taperait assurément l’œil. Malheureusement, dans ce paradis qu’est devenu notre pays depuis bientôt quinze ans, des individus se retrouvent en détention pour des infractions inscrites dans le Code de procédure pénale, en raison de leur statut social ou de la pauvreté qui leur colle à la peau. Envers et contre l’article 4 de la Constitution ivoirienne qui dispose : « Tous les Ivoiriens naissent et demeurent libres et égaux en droit. Nul ne peut être privilégié ou discriminé en raison de sa race, de son ethnie, de son clan, de sa tribu, de sa couleur de peau, de son sexe, de sa région, de son origine sociale, de sa religion ou croyance, de son opinion, de sa fortune, de sa différence de culture ou de langue, de sa situation sociale ou de son état physique ou mental. »

« Dura lex, sed lex », la loi est dure mais c’est la loi. Conformément donc au respect de la loi, ces faits qualifiés d’infractions conduisent derrière les barreaux.

Délits mineurs

Dans le monde anglophone, on parle de petty offenses. En français, il s’agit d’infractions ou délits mineurs. En réalité, ce sont des fautes qui ne devraient en pas être si la société était véritablement égalitaire. Elles visent le plus souvent une frange particulière de la population. Notamment les plus démunis qui, du fait de leurs conditions de vie, s’y trouvent exposés.

Orientation
En 2017, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a donné des orientations pour la décriminalisation de ces délits mineurs. Objectif : les sortir du code pénal et ne plus condamner sur la base de ces infractions à des peines d’emprisonnement ou même à des amendes. Une manière de lutter contre la surpopulation carcérale. Même lorsqu’elles entraînent une simple amende, les personnes concernées n’ont généralement pas les moyens de la payer.

Infractions
Parmi les infractions souvent citées figurent la mendicité, le vagabondage, la vente ambulante ou encore le racolage. C’est pour interpeller les États sur ce problème que l’Institut Dullah Omar (IDO) de l’Université du Cap, en Afrique du Sud, a initié en 2024 un projet intitulé : « Études comparatives sur les lois sécuritaires et autres lois et politiques d’exception appliquées dans certains pays francophones et lusophones : Côte d’Ivoire, Burundi et Mozambique. »

Dépénalisés
L’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture en Côte d’Ivoire (ACAT-CI) a été retenue comme partenaire local pour cette étude – dont letau.net  a pu consulter une copie – en collaboration avec l’IDO. Outre les lois sécuritaires et d’exception qui restreignent la liberté d’expression, l’ACAT-CI a identifié dans le code pénal ivoirien plusieurs délits qui, selon la Commission africaine et de nombreuses ONG, devraient être dépénalisés.

« Stigmatisation de la pauvreté »

Namizata Sangaré, présidente du Conseil national des droits de l’homme (CNDH), affirmait d’ailleurs lors d’une consultation : « La pénalisation des infractions mineures porte atteinte au droit à la dignité et à la protection contre les mauvais traitements ; elle favorise le surpeuplement carcéral et menace les droits et libertés fondamentaux des démunis et des personnes marginalisées. L’application de ces lois perpétue la stigmatisation de la pauvreté en apportant une réponse pénale à des problèmes socio-économiques et de développement durable. »

Formes aggravées

Dans le nouveau code pénal de 2019, l’ACAT-CI relève parmi ces infractions : la mendicité sous ses formes aggravées, les nuisances sonores, la vente et le commerce dans la circulation (para-commercialisme), la fourniture de moyens de transport informels, le racolage, la collecte et le tri de déchets, le lavage de voitures, le colportage, la coalition d’agents publics, l’interdiction de séjour, certaines infractions monétaires (faux monnayage, atteintes aux signes monétaires), la filouterie d’aliments ou de transport, l’adultère ou encore le non-remboursement de dettes.

Reforme

Avec la réforme du code pénal ivoirien, le vagabondage est dépénalisé. Cependant, la mendicité reste toujours sanctionnée. Le gouverneur du district d’Abidjan, Cissé Bacongo, avait lui-même publié un communiqué interdisant la mendicité, la vente ambulante et l’usage de charrettes sur son territoire. Une position qui interroge sur la volonté réelle des autorités d’aller dans le sens des recommandations de la Commission africaine. À ce rythme et avec l’éclair soudain de génie qui a récemment traversé l’esprit du directeur général de l’Oser, bientôt, ne pas traverser la route dans les règles de l’art pourrait valoir à l’infracteur des pépins.

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